Recenser des expériences où il s'agit de donner à des enfants l'envie et l'occasion d'écouter et de dire des contes.
Rassembler des outils de réflexion pour les conteurs et les enseignants.

"Enfants conteurs" ne veut pas dire pour moi "fabrication d'une élite" mais "développement de cette compétence chez chaque enfant"

L'existence de ce blog est une tentative pour mettre en avant le travail, à mon avis primordial, de conteurs, notamment Fiona MacLeod, d'enseignants, et de chercheurs, notamment Suzy Platiel. Il s'agira donc plus de rassembler des liens, de donner des pistes sur ce qui est souvent écrit beaucoup mieux ailleurs...
Collaborations et contributions seront les bienvenues.

dimanche 6 novembre 2016

Le conte, l'homme, l'enfant, un texte de Philippe Campiche, conteur

Philippe Campiche, février 01

Le conte est un art millénaire. Bien avant l’invention de l’écriture, c’est la parole des bardes, griots, troubadours et conteurs qui était porteuse de sens. C’était le vent des mots, et lui seul, qui amenait des nouvelles du monde, racontait les généalogies familiales ou les chroniques villageoises, mais aussi, à travers symboles et archétypes, donnait aux croyances et cérémonies sacrées leurs sens profonds, à la fois psychologique et existentiel. Le conte était école de vie.
Aujourd’hui, le monde a changé. Mais l’homme? et l’enfant?
Nous vivons une époque où nous sommes submergés de «communication», mais éperdument affamés de sens. Quel enseignant ne s’est pas trouvé démuni face à un enfant « normalement doué», mais incapable d’investir le savoir scolaire, car incapable d’y voir un sens ? Est-ce un hasard si ce sont justement ces enfants-là qui écoutent le plus fort (ce qui ne veut pas dire que les autres n’écoutent pas), au point que parfois, 6 mois après avoir entendu une seule fois une histoire, ils venaient me questionner à son sujet ? Je ne prétends évidemment pas que le conte soit la panacée aux maux de ce monde (ça se saurait), mais il permet au minimum d’établir en classe un lieu de parole vivante, un instant où conteur et «écouteurs» sont à la fois à nu et masqués, puisque protégés par le cadre du conte, cachés derrière l’histoire, à tenter de découvrir un petit espace où la magie, le mystère et le merveilleux peuvent, parfois, se laisser entrevoir.
Et ce n’est pas là sa seule vertu.
Le conte est littérature. Orale, certes. Mais, il a ses lois, ses rythmes, ses structures, à travers lesquels l’enfant, intuitivement d’abord, puis consciemment, va intégrer les quasi-immuables structures du récit. De plus, ce faisant, il s’habituera à prendre la parole en public, à choisir ses mots, ses silences, en apprenant, au fond, à «écouter l’écoute» de ceux à qui il parle, tout en suivant le fil de son histoire.
En ces temps tourbillonnants où le changement semble devenir la seule loi stable, où le rôle de l’école dans la formation de l’individu est de plus en plus important, le conte peut transmettre cet irremplaçable manteau de sagesse tissé fil à fil depuis la nuit des temps, porteur d’humour, d’amour et d’espoir.